
Analyse exclusive – Les cages botolistes, chasse gardée des attaquants non marocains ?
De Moussa Ndao (Wydad) à Issoufou Dayo (Berkane), en passant par Modibo Maiga (Raja) et Hervé Guy (IRT/FUS), la Botola est habituée à voir briller des étrangers, et en particulier les africains. Dans les faits ils ne sont pas si nombreux - en 2022-23 86% des joueurs de D1 sont marocains - et leur nombre est restreint par la ligue (3 étrangers max en même temps sur le terrain), et pourtant depuis quelques saisons le top 5 des meilleurs buteurs est trusté par ces joueurs venus d’ailleurs.
Zoom sur les trois dernières saisons
A l’heure actuelle le sénégalais Bouly Sambou Junior est le meilleur buteur de Botola Pro D1 cette saison (12 buts), suivi par le marocain Hamza Hannouri (10 buts), puis le capverdien Diney Borges (9 buts), et enfin le sénégalais Paul Bassène et le burkinabais Issoufou Dayo (8 buts). Et la saison précédente quatre nationalités différentes représentaient le top 4 des buteurs, sans le moindre marocain : Guy Mbenza avait dominé le classement (18 buts), suivi de loin par le gabonais Axel Méyé (12 buts) pour l’IRT. Le podium était complété par Lamine Diakité (11 buts), et la quatrième place fut occupée par l’ailier congolais de la RSB, Chadrack Muzungu (10 buts). Il faut donc revenir en 2020-2021 pour retrouver un meilleur buteur marocain, à savoir le Lion de l’Atlas Ayoub El Kaabi, qui avait inscrit dix-huit buts en vingt-neuf matchs, permettant au Wydad de s’adjuger le titre en fin de saison.
La Botola, un championnat tremplin
Qu’est-ce qui attire ces étrangers dans le championnat élite marocain ? Soit lancer leur carrière en Europe, comme l’ont fait Yassine Bounou, Achraf Dari ou encore Nayef Aguerd, soit décrocher un contrat lucratif en Asie, à l’image de Mourad Batna, Mouhcine Moutouali ou Soufiane Rahimi. Certains ont même fait les deux, comme Abderazzak Hamdallah, Ayoub El Kaabi et Achraf Bencharki. On peut donc supposer que le même raisonnement s’applique aux joueurs du continent africain qui signe en Botola. Car pour repérer leur prochaine pépite les championnats européens ou du Golfe sont plus susceptibles de suivre les championnats nord-africains, que d’autres championnats comme celui de la République Démocratique du Congo ou même de l’Afrique du Sud.
Cette plus-value en termes d’exposition fait de la Botola Pro un véritable tremplin pour les joueurs africains les plus ambitieux. Mais la vie n’est pas aussi, simple, et si on peut compter plusieurs hommes qui ont réussi à confirmer leur statut au Maroc - tels Ben Malango, vainqueur de la CAF en 2017 et Guy Mbenza, champion du Congo en 2018 - d’autres n’ont pas pu relever le défi et ont dû quitter le Royaume la tête basse - comme Chisom Chikatara, qui au Nigéria était pourtant l’attaquant star des Abia Warriors.
Et côté tremplin : après un passage prometteur chez le Raja, Modibo Maiga a représenté les couleurs du FC Sochaux et du FC Metz en Ligue 1, puis celles de West Ham en Premier League avant finir sa carrière sous le soleil du Golfe entre l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis. Guy Mbenza et Ben Malango ont également profité de leur parcours réussi au Wydad et au Raja pour signer dans le Golfe.
Disette de buteurs marocains
Et qu’en est-il des marocains, pourtant plus nombreux sur les terrains du Royaume que leurs confrères du continent ? Depuis Ayoub El Kaabi, la barre des dix réalisations n’a été franchie qu’une seule fois par un joueur marocain - Hamza Hannouri cette saison - alors que quatre non-marocains l’ont fait au cours de la même période. Avant la pandémie, les marocains se plaçaient régulièrement dans le top 4, même quand ils étaient devancés par un attaquant étranger (Karl Max en 2012, Malick Evouna en 2015 ou William Jebbor en 2017).
Si Ayoub El Kaabi, Mouhcine Iajour voire même un certain Abderazzak Hamdallah ont tous les trois fait trembler les cages botolistes ces dernières années, pourquoi ces exemples sont si peu communs ? Est-ce dû à l’aspect défensif du championnat ? Sur les dix dernières saisons, le taux de buts marqués par match varie entre 1.92 et 2.29, un taux assez bas, qui peut expliquer pourquoi de plus en plus d’équipes préfèrent miser sur des profils ayant fait leurs preuves en Afrique plutôt que sur le développement d’attaquants locaux.