Analyse exclusive – Que doit-on faire des fumigènes au Maroc ? - Elbotola

Analyse exclusive – Que doit-on faire des fumigènes au Maroc ?

O.S et K.S
24 janvier 2023à 19:00

Les relations les plus pérennes commencent souvent mal.

Depuis le début de la saison, pas moins de dix clubs de Botola Pro ont écopé d’amendes suite à l’utilisation de fumigènes par leurs supporters. Pourquoi l’utilisation de cette pyrotechnie pose soucis au Maroc ? Ces sanctions financières sont-elles la meilleure solution pour attaquer ce problème ? Et quelles alternatives existe-t-il ? Analyse.

Quand on parle de football marocain, la discussion se décale souvent en dehors des terrains vers les gradins, là où se rassemblent les supporters dans ce pays où le football est comme une seconde religion. Impossible de débattre sur l’esprit du sport au sein du Royaume sans mentionner la ferveur de ces qui animent les tribunes de la depuis l’avènement du mouvement ‘’Ultras’’ au Maroc, et même bien avant. Les groupes de supporters marocains trustent d’ailleurs chaque année le classement des différents organismes qui effectuent un Top 10 des différents supporters dans le monde (les Winners ont d’ailleurs été élu premiers au podium du meilleur public en 2022 d’Ultras World), et cela en offrant à chaque saison, peu importe le résultat de leurs équipes, un spectacle fait de chants, de tifos, et de ‘’Craquage’’ de fumigènes.

Sauf que depuis le 27 juillet 2018 et la d’une loi en interdisant l’utilisation sous peine d’être passible d’un an de prison, cet objet de discorde n’est plus la bienvenue dans le Royaume, chose qui n’a aucunement empêché la prolifération de son utilisation, et aucun club, ni aucun groupe de supporters ne fait exception.

Les fumigènes, partie intégrante de la culture ‘’Ultras’’

Au , les manières d’encourager son équipe de cœur sont aussi nombreuses que diversifiées. Au cours des deux dernières décennies, les ‘’Aficionados’’ de chaque club ont rivalisé d’inventivité en proposant de nombreuses chorégraphies. Sans mentionner les organisées chaque semaine par les supporters des différents clubs de Botola, le spectacle offert par les deux équipes de Casablanca en Coupe d’Arabe lors de la rencontre qui les a opposés en 2019 n’en est que le pur exemple. Le monde arabe, entre autres, en était sorti . Ils en parlent encore.

Une de ces manières de créer un spectacle visuel, et dont aucun pays ne fait exception quant à son utilisation, que ce soit au niveau des matchs de football, de basket ou de tout sport populaire, n’est autre que l’usage de ces fumigènes. Si ce phénomène est apparu à partir des années 2000 au Maroc, il en est devenu indissociable de la culture des stades marocains. Pire, ces outils ont connu une explosion de la fréquence de leurs usages depuis le retour du public aux stades en mars 2022 (après deux ans de huit-clos suite à la pandémie du covid-19).

Désormais, chaque journée de Botola nous réserve son lot de ‘’fumis’’, ce qui ravit les yeux des spectateurs, mais ce qui n’est absolument pas du gout de la FRMF qui délivre des sanctions pécuniaires tous azimuts. Rien qu’au niveau de son dernier conseil de discipline de ce début d’année, la Fédération marocaine a distribué des amendes à 3 clubs marocains pour ce même motif d’utilisation de fumigènes par leurs supporters, à savoir ceux des , de l’ et de l’OCK.

Un spectacle coûteux

Ces dix derniers mois, comme à l'accoutumée, plusieurs clubs ont donc vu leurs supporters être à l’initiative de spectacles hebdomadaires grâce à l’utilisation à grande échelle (parfois sur tout le terrain) de . Si les amateurs d’ambiance ne peuvent qu’admirer ces efforts, les clubs, eux, subissent un retour de bâton financier conséquent à cause des amendes distribuées par la FRMF qui s’oppose officiellement aux fumigènes. Les montants de ces amendes varient entre 20,000 et 60,000 dirhams cette saison.

Malgré des contraventions quasi hebdomadaires, les clubs de ne semblent pas avoir mis en place de dispositifs pour contrer cette tendance, bien au contraire. Certains clubs font activement la promotion de ces « pyroshows » à travers leurs réseaux sociaux, ce qui pourrait laisser penser que les équipes voient ce type d’animation d’un œil positif, et que les amendes ne sont qu’un petit sacrifice pour pouvoir profiter de ce festival des supporters. Aucun club n’a par ailleurs réprimandé ses supporters quant à l’utilisation de fumigènes, ce qui pourrait confirmer encore plus cette idée que les clubs ne sont pas contre ce genre de spectacles.

Une réforme à venir ?

Dans ce contexte, pourquoi la Fédération Royale Marocaine de Football () tient-elle tant à sanctionner les clubs pour les initiatives des supporters ? Premier élément de réponse, l’aspect sécuritaire. L’utilisation de fumigènes est dangereuse, que ce soit à petite ou grande échelle, n’oublions pas que la chaleur dégagée par cet artifice peut causer de graves brulures aux personnes qui y sont exposés. Un homme avait d’ailleurs à Khouribga lors d’un match de Botola où l’OCK recevait le après avoir été atteint par un de ces fumigènes.

Deuxième élément de réponse, les amendes générées par la FRMF suite à l’utilisation de ces fumigènes représentent une manne financière conséquente, et peut-être que ces membres ne veulent, ou ne peuvent pas s’en passer pour alimenter la trésorerie de la Fédé. Rien que la semaine dernière, suite au de cette dernière, 125,000 dirhams d’amende ont été distribué à 5 clubs pour l’utilisation de fumigènes par leurs supporters. Si on prétend que l’amende reste la même pendant chaque journée, alors la FRMF toucherait près de 4 millions de dirhams par saison uniquement grâce aux pyrotechnies.

Certes, les règles sont claires, et l’article 105 du de la FRMF stipule que : « Le club […] est responsable, sans qu’un comportement fautif ou manquement lui soit imputable, du comportement inconvenant de ses spectateurs et peut être le cas échéant sanctionné(e) suivant la grille des sanctions du présent code » et que « Sont considérés comportements inconvenants notamment les violences contre des personnes ou les détériorations des choses, l’utilisation de fumigènes […] ».

Comment alors mieux gérer ce phénomène ? La FRMF pourrait soit proposer l’abrogation complète de son interdiction, soit en demander la régulation ou conditionner son utilisation.

L’encadrement, THE solution ?

Si la FRMF aspire à garder cette valeur ajoutée que représente l’utilisation des fumigènes en tant que spectacle pyrotechnique, tout en veillant à la sécurité de l’ensemble des parties prenantes, la solution de l’encadrement pourrait être une des réponses les plus adéquates.

Nous pourrions, comme ce que la France en 2020, réguler son utilisation en posant certaines règles claires comme par exemple en interdire l’usage par les mineurs, dresser une liste des types de fumigènes autorisées (les moins dangereux) ou encore effectuer des campagnes de sensibilisation auprès des fans vis-à-vis des potentiels risques émanant de son utilisation.

Pour l’autre alternative, qui serait celle d’une autorisation pure et simple de ces engins, celle-ci serait la plus dure à mettre en place. Cela pour être interprété comme un aveu de faiblesse pour la FRMF, ce que l’instance ne peut se permettre. A défaut de pouvoir le faire, il serait grand temps que la FRMF s’attaque réellement à cette problématique avec plus de pragmatisme qu’auparavant, au lieu de botter en touche, ou en distribuant des amendes chaque semaine alors que l’on sait pertinemment que nous assisterons à une multitude de fumigènes allumés lors de chaque journée de championnat.

Chouia t et l’on pourra sûrement déboucher sur un compromis.

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