Reportage - "Les marocains ont le droit de rêver"
« Le football n’est pas une question de vie ou de mort, c’est quelque chose de bien plus important que cela » disait Bill Shankly (1913-1981), l’entraineur légendaire de Liverpool.
Le football est peut-être - sûrement - le sport qui rassemble et fédère le plus au monde, au-delà des différences. Tout le monde est sur le même pied d’égalité quand il s'agit du ballon rond : en tête à tête avec les émotions fortes qu’il nous procure, lorsque qu’il s’écrase sur le poteau... où qu’il troue les filets. De l’émotion et des moments fédérateurs ce n’est pas ce qui manque au Maroc depuis le début de la Coupe du Monde au Qatar. En battant une partie du gratin du football mondial (Belgique, Canada, Espagne et Portugal) et en devenant la première nation africaine et arabe à atteindre les demi-finales d'un Mondial, les Lions de l’Atlas ont rassemblé autour d’eux : les marocains d’abord, mais aussi une grande partie - tous ? - des peuples africains et arabes. Retour sur les émotions transcendantales déclenchées par l’une des plus belles épopées de l'histoire la Coupe du Monde !
« Une évasion de la vraie vie »
Personne n’arrive à y croire, tout le monde lévite et pense que ce n’est qu’un rêve dont il se réveillera bientôt. C’est le cas de la jeune Aya, 22 ans, coordinatrice digitale à Casablanca : «C’est un sentiment de fierté absolue. Je n’aurai jamais cru vivre ça. On est vraiment en demi-finale de la coupe du monde ? Je me pose cette question 10 fois par jour. Je ne remercierai jamais assez ces joueurs, cet entraîneur et cette équipe de nous avoir fait vivre ces moments. C’est une évasion de la vraie vie, d’un quotidien entaché par l'inflation, par la crise, par les problèmes personnels de chacun… C’est bien plus qu’un exploit footballistique, ce parcours incroyable à montrer aux marocains que tout est possible, et qu’ils ont le droit de rêver ». Après l’élimination de la Roja (0-0 puis 3-0 aux t-a-b) en huitièmes de finale, on a vu SM le Roi Mohammed VI sortir de son palais, et déambuler dans Rabat à bord de sa voiture, pour célébrer cette victoire historique avec son peuple. Un fait très rare qui illustre l’importance de l’événement dans le Royaume.
Marocains d'ici ou d'ailleurs... tous à l'unisson !
C’est la magie de la victoire que d’unir les gens dans son sillage, au-delà du temps et par delà l’espace. Loin des frontières chérifiennes, la performance du Mountakhab est en effet porteuse d’une cohésion sans commune mesure pour les marocains de la diaspora : « Jamais je n'ai été si fier de mes origines et aussi prêt et motivé à aller au travail un lundi que ces deux dernières semaines » nous confie Yasser Sahrour, jeune MRE de 24 ans, et account manager à Paris. « Sortir le soir après une victoire face au Portugal et fêter avec des milliers de Marocains en France nous a permis de ressentir ce sentiment d'appartenance à une nation qui est capable de réaliser l'impossible ».
Afrique, Europe, Asie… partout les marocains de la diaspora se rassemblent, et ce quel que soit leur âge. Rachid, 63 ans, fait partie la génération qui avait vécu l’exploit précédent du football marocain, à Mexico en 1986 : « Personne ne pensait que Mehdi Faria et ses lionceaux allaient se qualifier en huitièmes de finale. Après ça pendant longtemps les échecs et les revers se sont accumulés et plus de 36 ans se sont écoulés, jusqu'à l'édition Qatar 2022. Cette nouvelle génération m'a rappelé des émotions que nous avions vécues, que nous avons même transcendées pour d'autres plus fortes. Parfois je remercie Dieu d'avoir vécu ce moment euphorique, car on pendait qu'on ne vivrait plus quelque chose comme ça ».
Toute la planète derrière nous ?
Les gens aiment les belles histoires, où les valeureux se confrontent à plus forts qu’eux et en ressortent triomphant. C’est la vieille histoire de David et Goliath toujours remise au goût du jour. Aujourd’hui - à l’exception peut-être de la France et de l’Argentine - on dirait que le monde entier voudrait voir le Maroc au sommet. Hervé renard, ex-sélectionneur du Maroc (2016 à 2019), ne s’en est pas caché : ''Je suis français, je suis né en France, j’ai un passeport français mais je suis désolé je supporterai l’équipe du Maroc. Parce que ce pays m’a marqué, les gens m’ont apporté de l’amour à un point que vous ne pouvez même pas imaginer.''
C'est certain, l’Afrique aussi est derrière le Maroc, avec coach Regragui qui - habile - n’a pas manqué une occasion de rappeler sur quel continent se trouve le Royaume chérifien. Les témoignages de soutien ne manquent pas non plus sur les réseaux sociaux, y compris venant des adversaires vaincus. De Luis Enrique, ex sélectionneur de l’Espagne : "J’ai regardé le match du Maroc contre le Portugal, ils méritent ce qu’ils accomplissent. C’est historique''. De Bruno Fernandes, milieu de terrain de la Seleçao : ''Le Maroc a mérité. Ils ont bien joué dans leur style, il faut leur rendre hommage. Nous devons les féliciter". Ou encore d’Arsene Wenger, que l’on ne présente plus : "Le Maroc est absolument incroyable, ils ont réalisé de belles performances à chaque match...".
Si tout le monde est avec nous, que peut-il nous arriver ? Diro Niya !