Analyse exclusive - Raja 2013, le début des ennuis ? - Elbotola

Analyse exclusive - Raja 2013, le début des ennuis ?

Adnane Chatraoui et David Le Doaré
03 novembre 2022à 17:00

Depuis près de 10 ans, et sa participation à la Coupe du monde des clubs, le Raja de Casablanca souffre d’une instabilité chronique, symbolisée par la valse des présidents et des entraîneurs. Retour sur la trajectoire mouvementée des Verts et de leurs dirigeants.

Flashback - En 2013, le domine le football marocain avec 3 titres de champion en 6 ans (2009, 2011 et 2013). Cet hiver-là, en guise de consécration, le club s’apprête à jouer une finale de face au Bayern Munich. L’horizon des Verts semble radieux, et pourtant lors de la décennie suivante les rajaouis ne remporteront qu’une seule (2020), laissant le champ libre à leur principal rival au Maroc ; le s’engouffre dans cette brèche et remporte 5 championnats en 10 ans. Certes, le a continué de remplir son armoire à trophées avec 2 (2018 et 2021), 1 Coupe Arabe (2021) et 1 (2017). Mais à l’échelle nationale il a perdu de sa superbe, plombé par des problèmes de gouvernance. La performance de 2013 n’a-t-elle pas jeté un écran de fumée sur les problèmes structurels ?

Le mirage d’une défaite victorieuse

Hiver 2013, Marrakech. Pour le Bayern Munich, récent vainqueur de la Ligue des Champions, le prestige associé à une finale de est plusieurs tons en dessous de ce qu’ils viennent de vivre. Ils ont peut-être plus à perdre qu’à gagner en jouant cette compétition, mais cela, les rajaouis n’en ont cure ! En tant qu’hôte de la compétition, les Verts sont les seuls participants à s’être qualifié directement et ils s’appliqueront à réaliser un tournoi magistral : Auckland est vaincu (2-1), puis Monterrey (2-1), puis l'Atlético Mineiro (3-1). Quand le se présente en finale, il joue à domicile, et ce ne sont plus seulement ses supporters mais tout un peuple qui rêve du titre. Valeureux mais éprouvés, les Verts concluront leur tournoi par une défaite (0-2).

Une défaite avec des airs de victoire puisque l’on retient surtout l’exploit de s’être hissé jusqu’en finale d’une Coupe du monde ! Une performance en trompe l’œil qui va donner un crédit immense au président du Raja de l’époque: Mohamed Boudrika. Rétrospectivement, cette finale perdue apparait comme un point de bascule dans l’histoire des Verts, puisqu’entre 2013 et 2022 le club bidaoui ne gagne qu’une seule Botola. Malgré son pic sportif et financier - 4 millions de dollars de prime - le Raja n’a pas su transformer l’essai, et il s’est installé dans une crise incarnée par les problèmes de gouvernance.

Valse des présidents et supporters «faiseurs de rois»

Ce n’est un secret pour personne, les clubs qui jouissent d’une structure pérenne sont les plus performants dans la durée. Khaldoon Al Mubarak est président de Manchester City depuis 2008, Florentino Pérez est au Real Madrid depuis 2009, Andrea Agnelli dirige la Juventus depuis 2010… et Said Naciri est président du depuis 2014. En revanche, au 21ème siècle seuls deux présidents du sont allés au terme de leur mandat : Ahmed Ammor (1998-2002) et Mohamed Boudrika (2012-2016). Après ce dernier, pas moins de six présidents se sont succédés à la tête du Raja en autant d’années ! Et comme les fonctions sont liées, c’est la même chanson du côté des coachs : ils sont douze à être passés sur le banc des Verts depuis juin 2014, soit moins d’une saison chacun !

Pourquoi un tel roulement en interne ? Abdessalam Hanat a été élu deux fois président, et à deux reprises, il a choisi de partir avant la fin de son mandat, comme la majorité de ces prédécesseurs et successeurs. Faut-il créditer la théorie selon laquelle les supporters rajaouis ont trop d’influence sur la destinée de leur club ? L’exposition médiatique et politique entrave-t-elle la bonne gouvernance de l’institution ? Difficile d’apporter une réponse tranchée à ces questions. Tout comme il est difficile de dissocier la trajectoire récente du Raja de celle de Mohamed Boudrika.

Le cas Boudrika : sauveur ou fossoyeur?

Lorsqu’il est élu en 2012, à 29 ans, il décide de reconstruire l’ossature de l’équipe première, et il entame son mandat par un mercato de grande envergure (Chtibi, Erraki, Askri, Kerrouchi, Kachani, Belmaalem). La volonté de changement est réelle cependant les décisions prises auront de sévères conséquences. Car Boudrika accorde à certains joueurs des primes de signatures exorbitantes - 1 million d’euros pour Youssef Kadioui en 2015 - que le club peine à assumer. De plus, certains partenaires et fournisseurs ont aussi du mal à se faire payer. Les litiges s’accumulent devant les tribunaux, ce qui n’arrange pas les affaires des Verts. La fin de mandat du jeune président est un calvaire qui continue après son départ. Sportivement, depuis le titre de 2013 Botola Pro, le Raja s’échine pour remonter la pente : il est 8ème en 2015, 5ème en 2016, puis 3ème en 2017. Mis en cause, Boudrika cherche des responsables : il accuse la Fédération Royale Marocaine de Football et les arbitres de favoriser le rival Wydadi, ce qui lui vaudra une condamnation, en décembre 2016, pour diffamations et injures publics. Bref, Boudrika s’en va en 2016, et, à peine élu, son successeur Said Hasbane déclare qu’avec 19 millions de dirhams de déficit « Le Raja est en faillite ». Le nouveau président demande le secours de l’Etat pour gérer les 42 millions de dirhams de dettes urgentes : 8 millions de dirhams de crédits bancaires, près de 15 millions de dirhams dus aux fournisseurs, et respectivement 7 et 11 millions de dirhams de salaires impayés aux joueurs et aux employés du personnel.

La gestion de Boudrika aura été pour le moins chaotique. Pourtant, est-ce l’écho de 2013 qui le porte ? L’ex président parvient à conserver une aura considérable auprès d’une frange des supporters ; pas auprès de ses successeurs, qui gèlent plusieurs fois son adhésion au club. Entre les présidents passé et présent, la guerre est déclarée : Boudrika utilise activement les réseaux sociaux pour diffuser ces idées et critiquer abondamment ses successeurs. Quant à ces derniers, soutenus par bon nombre d’adhérents, ils ne manquent pas une occasion de rappeler comment s’est achevé le mandat de Boudrika ; en 2017, ils l’empêchent de revenir prendre la tête des Verts. Le feuilleton ne s’arrête pas là. En 2020, Boudrika affirme être prêt à aller devant les tribunaux pour récupérer 10 millions de dirhams, qu’il aurait injecté de sa poche dans le club lorsqu’il en était le dirigeant. Affaire à suivre.

2022, l’année de la renaissance ?

En juin 2022, le club rajaoui voit l’arrivée d’un nouveau président : promoteur ambitieux et charismatique, Aziz El Badraoui est élu pour mettre fin à l’instabilité chronique du club et dit vouloir ouvrir « une nouvelle ère ». Saura-t-il résister à la pression inhérente au Raja ? S’agit-il d’un nouveau Boudrika rapide à prendre des décisions fortes mais plus lent à les assumer ? Pour l’instant, les éléments dont on dispose sont un mercato estival intense (16 recrues), suivi du limogeage du coach Faouzi Benzarti après seulement 3 journées de championnat. Une décision dont on ne sait pas encore si elle était impulsive ou salutaire. Alors est-ce bientôt la fin des problèmes pour les rajaouis ? Ou restent-ils quelques tours de pistes ?

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