Interview exclusive - Ismaël Kandouss : «J’ai pris plus de plaisir en Belgique qu’en France» - Elbotola

Interview exclusive - Ismaël Kandouss : «J’ai pris plus de plaisir en Belgique qu’en France»

I.K et D.L.D
27 avril 2023à 18:00

Arrivé en 2018 à la Royale Saint-Gilloise en provenance de l’USL Dunkerque, Ismaël est aujourd’hui un des piliers du club de la capitale de la belgique et de l'Europe. Ancien international Olympique du Mountakhab (U23), vice-champion de Belgique et quart de finaliste d’Europa League, le défenseur de 25 ans souhaite représenter un jour la sélection marocaine. Elbotola est allé à sa rencontre.

À 21 ans tu as découvert le monde professionnel sans être passé par un centre de formation, est-ce que c'était un avantage ou un handicap ? Honnêtement, un petit peu des deux. Lorsque l’on ne passe pas par un centre de formation, il y a des aspects que l’on ne travaille moins contrairement à d’autres joueurs qui ont eu cette chance. Mais d’un point de vue personnel, je pense que mentalement ça m’a renforcé. Quand c’est dur, je pense à mon parcours et je me dis qu’il ne faut jamais lâcher, parce que c’est comme ça que j’ai pu réussir.

Tu as commencé le foot à 5 ans, est-ce que dès le départ tu souhaitais jouer défenseur central ? J’étais déjà plus grand que tout le monde, donc je n’ai pas trop eu le choix, on m’a directement placé derrière (rires). Mais je n’ai jamais vu ça comme une contrainte, je prenais du plaisir à défendre, surtout que quand tu es petit le plus important c’est de taper dans le ballon, de courir et de surtout s’amuser. Aujourd’hui, je ne regrette pas du tout.

À la suite de ta première saison à l’ES Wasquehal le club a décidé de se séparer de toi, quelle était la raison ? L’ES Wasquehal m’a simplement annoncé qu’il ne souhaitait pas me garder. J’estimais que ce n’était pas forcément justifié car je n’avais aucun souci au club et je sortais d’une meilleure saison que d’autres joueurs qui ont pu être gardé. Finalement, j’ai reçu un appel du club deux semaines plus tard qui m’annonce que l’entraîneur de l’équipe d’au-dessus est intéressé par mon profil. J’ai donc dû refaire des tests comme si j’étais une nouvelle recrue et finalement on m’a gardé, alors que deux semaines plus tôt on ne comptait pas sur moi. Pour faire simple, je pense que les dirigeants du club ne voulaient plus forcément de moi, mais le coach des U14 m’a donné ma chance.

Tu as travaillé en tant que coach sportif à la prison de Dunkerque, est-ce que tu te serais vu faire carrière dans ce métier si ça n’avait pas marché côté football ? Non, je ne pense pas. À ce moment de ma vie, ça me convenait à côté de mes études, faire du sport avec des prisonniers c’était vraiment cool. Mais si ça n’avait pas marché dans le foot, je me serais probablement penché dans autre chose, à ce moment je n’avais aucune idée définie car dans ma tête je n’avais qu’un seul objectif. Parfois j’essaye de me demander ce que j’aurais fait, certains métiers me plaisent bien, mais j’ai du mal à m’imaginer dans quel autre métier j’aurais pu m’épanouir sur le long terme.

En France tu as connu le niveau national avec l’USL Dunkerque puis en Belgique tu as découvert la Challenger Pro League (2nde division). Quelles différences as-tu remarqué en passant de l'un à l'autre ? Dans un premier temps, j’ai constaté que les matchs étaient beaucoup plus ouverts. En Challenger Pro League il y avait beaucoup plus de buts qu’en National ; en France j’ai plutôt connu un jeu fermé, le côté physique était très important et il fallait remporter beaucoup de duels défensifs. Ici j’ai trouvé que les équipes prônaient un football plus offensif, elles jouaient plus au ballon et se projetaient plus vers l’avant. Personnellement, j’ai pris plus de plaisir en Belgique qu’en France et je pense que j’ai progressé ici. J’ai aussi été surpris par les supporters car il y avait de l’ambiance à chaque match, et je n’avais encore jamais connu ça. En Challenger le stade n’était pas toujours rempli mais on ressentait vraiment la présence des supporters, la moitié des personnes présentes au stade chantaient, c’était clairement un avantage.

À seulement 25 ans tu es le joueur le plus ancien au club, quel est ton rôle dans l’effectif ? Je suis disponible, j’essaye d’aider tout le monde comme je peux, mes coéquipiers savent que ça fait 4 ans et demi que je suis au club. Je connais un peu tout le monde, tout le monde me connait, donc si quelqu’un a besoin de quelque chose, il peut venir me voir sans problème. Dans le vestiaire, cela m’arrive de prendre la parole pour remobiliser le groupe mais je laisse ce travail à mon capitaine ainsi que mon vice-capitaine car ils ont plus d’expérience que moi, je leur fais confiance.

Si tu devais retenir un match dans ta carrière ? Bonne question... Je dirais le match aller face au Bayer Leverkusen (1-1) cette saison car je pense que c’est le plus grand match que j’ai disputé, un quart de finale de Coupe d’Europe… Et on a obtenu un résultat face à une très bonne équipe ! J’étais aussi grandement satisfait du clean-sheet à domicile face à l’Union Berlin (3-0) au tour précédent en huitièmes de finale. Il y a eu la qualif au bout, on n’a pas encaissé de but et collectivement on a été très costaud.

Comment vois-tu la suite de ta carrière ? Pour le moment, je suis à l’Union. Après c’est certain que comme tout footballeur j’aspire à jouer au plus haut niveau donc je continue à travailler et j’espère atteindre un niveau qui me permettra d’évoluer dans un championnat du Top 5 européen. Je ne me refuse aucun challenge, je privilégierai le sportif même si c’est vrai qu’il est difficile de refuser un club de Premier League même si celui-ci joue le maintien.

Le propriétaire de la Royale Union Saint-Gilloise est également président du Brighton FC. Est-ce qu’évoluer à Brighton est un challenge qui pourrait t’intéresser ? C’est sûr que s’il y a un transfert à Brighton ça se fera facilement et rapidement. Après, il faut sortir d’une très grosse saison pour signer à Brighton car le club joue les premiers rôles en championnat, c’est devenu une grosse écurie en Angleterre. L’été dernier on a qu’un coéquipier qui a signé là-bas, donc ce n’est pas donné à tout le monde. Mais si Brighton s’intéresse à mon profil, c’est clair que je saute ! On verra bien, pour l’instant je suis très concentré.

Vous êtes montés il y a moins de 2 ans en Jupiler Pro League (1ère division) et pour la deuxième année de suite vous jouez le titre de champion de Belgique. Comment expliques-tu que vous n’ayez pas eu besoin d’une période d’adaptation ? Pour commencer, l’équipe n’a pas changé. On se connaissait tous donc on a continué à jouer notre football qui nous a permis d’être champion de Challenger Pro League, on n’a pas eu besoin de reconstruire quelque chose. Ensuite, avant de découvrir la première division on a fait une grosse préparation, on a disputé onze matchs amicaux, on a eu le temps de régler les derniers détails avant de commencer sereinement la saison. On a commencé très fort et on a réussi à rester sur la vague toute la saison, malheureusement on a perdu la première place et on a terminé deuxième. Officiellement, notre objectif était le Top 8 en début de saison. Officieusement, les journaux relayaient que notre objectif était le maintien, ça prouve que personne ne nous attendait à ce niveau.

Vous n’êtes pas passé loin de la qualification en Ligue des Champions (défaite 3-2 au score agrégé face aux Rangers lors des barrages), qu’est-ce qui vous a manqué ? Il nous a forcément manqué un peu d’expérience car on avait maitrisé notre sujet au match aller (victoire 2-0 à domicile), on était très content de notre prestation. Quand tu gagnes 2-0 au match aller, il faut être malin au match retour. On aurait peut-être dû gagner un peu de temps, il y a des petites fautes intelligentes que l’on aurait pu faire, avec un peu de malice, on aurait peut-être évité de concéder 3 buts au match retour.

Concernant la sélection nationale, tu sembles focus sur la sélection marocaine. L’idée de représenter les Bleus ne t’a jamais traversé l’esprit ? Je supporte le Maroc depuis petit et je me suis toujours focalisé sur la sélection marocaine sans penser à l’Équipe de France. Si j’étais courtisé par les deux sélections, je trancherais en faveur du Maroc. Depuis petit, j’ai toujours été à fond derrière le Mountakhab. Lors du match France – Maroc en 2007 (2-2), j’étais déjà pour le Maroc donc je me sentirais mieux de représenter le Royaume.

Quel est ton plus ancien souvenir sur le Mountakhab ? J’en ai plusieurs en tête mais celui qui m’a le plus marqué, c’est probablement le 4-0 face à l’Algérie (juin 2011 en match éliminatoire pour la CAN 20212), c’est un match qui nous a tous vraiment fait vibrer. C’était une belle période, j’étais jeune et c’est un moment que je n’oublierai pas.

En 2019 tu as représenté le Mountakhab avec la sélection Olympique, qu’est-ce que ça représentait pour toi ? Franchement c’était quelque chose de beau, c’était une nouvelle expérience pour moi et j’ai vraiment vécu un monde que je regardai habituellement à la télé. C’était une grande fierté d’être parmi ce groupe et de porter ce maillot. J’ai eu la chance d’évoluer aux côtés d’Achraf Hakimi, à cette époque c’était déjà une grande star. À la base Hakimi et Mazraoui jouaient déjà en sélection avec l’équipe A, mais ils sont venus renforcer notre groupe car nous avions l’objectif de nous qualifier pour les Jeux Olympiques et l’équipe A n’avait pas de grosses échéances.

Si on te demande 3 joueurs modèles, à qui penses-tu ? À l’international, je dirais Iniesta, Messi et Pogba lorsqu’il était à son top niveau. Si je devais t’en citer trois coté Maroc, ce serait Boufal car j’aime beaucoup son style de jeu, Benatia pour son parcours et la carrière qu’il a réalisé, ainsi que Romain Saiss car il assume pleinement son rôle de capitaine et il a beaucoup fait pour la sélection.

Cela va bientôt faire 5 ans que tu vis en Belgique, tu as grandi en France et tu es imprégné de la culture marocaine... pour la retraite tu te verrais vivre dans l’un de ces 3 pays ? Je suis très attaché à ma famille donc je pense que je resterai dans le nord près de ma mère. Cependant, cela ne m’empêchera pas de voyager régulièrement que ce soit au Maroc ou en Belgique.

En parlant du nord tu portes le numéro 59, c’est important pour toi de représenter ton département ? Bien sûr, pour moi c’est une fierté de venir du nord. Il y a beaucoup de talents chez nous que ce soit dans le football, dans le sport en général ou dans d’autres domaines et on n’est pas toujours mis en lumière pour nos qualités.

Tu as terminé second lors de la cérémonie du Lion Belge, qu’est-ce que cette distinction représente pour toi ? J’étais heureux, je ne vais pas dire que c’était l’un de mes objectifs de remporter cette distinction car je préfère avant tout les titres collectifs. Mais c’est toujours gratifiant d’être récompensé pour mon travail et ça m’a donné un coup de boost pour la suite de la saison.

Beaucoup de joueurs marocains évoluent en belgique et tu as l’occasion de les rencontrer chaque week-end. Est-ce que ça change quelque chose cette origine commune lorsque vous vous croisez ? Oui carrément, je le sens avec chaque marocain il y a beaucoup de respect, on discute ensemble, personne ne fait la star, c’est cool. C’est quelque chose de positif même pour la sélection car ça peut faciliter les intégrations. À titre personnel, si je suis appelé demain et que Tarik Tissoudali est présent, je sais que je ne serai pas totalement dépaysé car j’ai discuté avec lui et c’est un bon gars.

Pour finir, la CAN 2024 est-elle un objectif pour toi ? Oui c’est clair que c’est un objectif mais elle n’est pas à 100% dans ma tête, car aujourd’hui j’ai d’autres grosses échéances en club. Je veux y aller étape par étape, et dans un premier temps mon objectif c’est d’intégrer la sélection au plus vite. Je continue de travailler et comme je l’ai toujours dit, c’est le sélectionneur qui fera ses choix et je les respecterai toujours.

Propos recueillis par Ilyes Kaddouri.

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